Laos – Le chemin de fer de Khône

A l’extrême sud du Laos, sur le Mékong, dans la région de Si phan done (quatre mille îles), une formation rocheuse barre le cours du Mékong et crée des chutes d’environ 15 m de dénivelée sur une largeur de plus de 10 km.

Cet obstacle à la circulation fluviale à amené l’administration coloniale à créer une voie de chemin de fer dès 1893 pour faciliter le transbordement de canonnières (Massie, Ham-Luong, La Grandière) devant assurer, en amont, la protection de la frontière nouvellement établie entre le Siam ( Thaïlande) et le Laos.


Carte de la région de Khône avec la voie ferrée représentée.


Chaloupe Ham Luong à Khône sud en octobre 1893


9 avril 1896 : « travaux réfection voie de Khône commencés seront assez considérables : près de 2500 traverses seront à changer malgré plus stricte économie sur solde et nourriture coolies laotiens ( ! ) estime que dépense atteindra 4000 P soit double de somme prévue au budget . Ai pu obtenir que matériel Decauville nécessaire me soit prêté par Cochinchine. Ne remboursera que transport matériel » Trois ans seulement après la pose de la première voie en vue du transbordement des chaloupes Garcerie, Colombert et Trentinian.

La voie ferrée, à l’apogée de son développement, parcourt les îles de Don Khône au sud et Don Det au nord sur une longueur totale d’environ 14 km et se termine par un quai de transbordement à chaque extrémité.

On peut encore voir la plate-forme sur l’ensemble du parcours et les quais de transbordement aux deux extrémités mais surtout le pont à 13 arches en béton armé construit vers 1910 entre les îles de Don Khône et Don Det. Le quai et la gare de Khône-nord sont encore visibles dans le village où d’autres maisons coloniales existent encore. Les vestiges d’une locomotive (probablement celle livrée en 1929) sont encore visibles ainsi qu’une machine à vapeur fixe près de ce qui fut les ateliers dont on devine les fondations. A Khône-sud, le quai a une hauteur impressionnante au dessus du Mékong et l’on devine un château d’eau envahi par la végétation et les vestiges d’une autre locomotive.



Le pont de l’île de Khône construit vers 1909


Curieusement, on retrouve des vestiges de voie Decauville de 0,60 m qui servent de barrière dans le village de Khône-nord ou de poutrelles de pont piétonnier sur Don Khône mais la voie était déjà métrique vers 1898 !

Très primitive lors de sa construction en 1883 (peut-être Decauville de 0,60 m ?), la voie se limite à traverser l’île de Don Khône, mais le bief sur lequel est aménagé le quai amont ne peut être utilisé qu’en période de hautes eaux. Quinze ans environ après que la voie ait été concédée à une entreprise privée (en 1894 : Compagnie Saigonaise de Navigation et de Transport, puis Compagnie des Messageries Fluviales de Cochinchine) dans le but d’assurer le transbordement de fret commercial et de passagers, la voie est prolongée sur Don Det au nord dans le but d’étendre la période pendant laquelle les bateaux peuvent accoster le quai de déchargement dans un bief plus profond pendant les étiages. Ce prolongement nécessite la construction d’un pont en béton armé de 13 arches pour franchir le bief entre Don Khône au sud et Don Det au nord. Ce pont est toujours bien visible et en bon état et sert au passage des habitants locaux. Il fut construit par des maçons français et vietnamiens, des chinois et des coolies lao.

M. Van Dhi, né vers 1910, rencontré en 1997, a travaillé au chemin de fer à partir de 1929 et était caporal batelier mécanicien dès 1934. Selon lui, en période de hautes eaux, le terminus des trains était au quai nord de don Khône alors qu’à l’étiage, ils franchissaient le pont pour se rendre au quai de Don Det. Il y avait une locomotive, 12 wagons et une voiture spéciale pour le gouverneur. Il fallait en moyenne deux navettes de train pour charger un bateau.



Probablement la locomotive « Paul Doumer »


La première locomotive de 7 tonnes fut baptisée APaul Doumer@ en hommage au nouveau gouverneur général de l’Indochine. Elle remorquait péniblement 31 tonnes sur la voie et avait des difficultés à monter la rampe d’accès au pont de Khône nord. En 1929 une nouvelle locomotive tender à trois essieux couplés pour voie de 1m00 est livrée : c’est celle que l’on peut voir à Khône nord.


Peut-être la livraison de la second locomotive et deux voitures, en 1929 à Khône sud…


Selon M. Van Dhi, la voie ferrée aurait encore été utilisée par les Japonais lors de la seconde guerre mondiale quand la Thaïlande avait annexé la province de Champassak.

Elle serait tombée en désuétude à la mise en service de la route longeant la rive gauche du Mékong (vers 1949) qui permettait l’acheminement plus rapide du peu de marchandises qui transitaient par là… et laissée à l’abandon depuis.


SOURCES : LE BLOG DE FRANCOIS.FER-AIR

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