Le conflit franco-thaïlandais (juin 1940-mai 1941), une manipulation japonaise ?

L’imminence de la défaite française dans la guerre européenne offre au Japon l’occasion rêvée d’une intervention en Indochine, pour mettre notamment un terme à la résistance chinoise (1). Et rarement occasion fut si belle ! La désorganisation qui résulte de la guerre en Europe, la neutralité des Etats- Unis et le repli de la Grande-Bretagne sur Singapour sont autant de circonstances favorables à la réalisation des vieux rêves expansionnistes nippons. Car le vide diplomatique et militaire en Extrême-Orient abandonne l’Indochine en pâture aux ambitions japonaises. C’est par une pression constante que le Japon cherche à obtenir de la colonie française les avantages qui favoriseront ses ambitions politiques et militaires.

Il s’agit d’abord de l’ultimatum du 18 juin 1940, qui aboutit à la fermeture de la frontière sino-tonkinoise au transit du matériel stratégique à destination des troupes nationalistes chinoises. Vient ensuite l’accord politique du 30 août 1940, aux termes duquel le Japon reconnaît la souveraineté française sur l’Indochine et s’engage à en respecter l’intégrité territoriale, tandis que la France admet la prééminence du Japon en Extrême-Orient.

Avec la convention militaire du 22 septembre, conclue à l’issue d’un 4e ultimatum de Tokyo, le Japon obtient l’utilisation de trois aérodromes indochinois, le stationnement de 6 000 soldats au nord du fleuve Rouge, et le droit de transit à travers le Tonkin. A l’issue de l’incident de Langson (22-25 septembre), qui met en exergue la supériorité des forces nippones et surtout l’ampleur des faiblesses de la défense indochinoise (2), l’implantation militaire japonaise en Indochine commence…

C’est alors que survient le conflit franco-thaïlandais, qui va permettre au Japon de renforcer son emprise sur l’Union. En effet, le 12 juin 1940, le gouvernement thaïlandais avait accepté de signer avec la France un pacte de non-agression (3) qu’il se garde bien de ratifier à l’annonce de la défaite française dans la guerre européenne. Au contraire, il entame une campagne révisionniste anti-française, résolu à subordonner les formalités de ratification à des revendications territoriales sur les provinces du Laos et de la rive droite du Mékong. Or, il apparaît rapidement que ces revendications sont encouragées en sous-main par le gouvernement japonais, avec lequel un traité d’amitié a été signé le 12 juin.

Les revendications thaïlandaises

Au XIXe siècle, par deux fois, la France barre la route à l’expansionnisme siamois en direction du royaume khmer et du Laos (4). «Les dirigeants siamois ne pardonnaient pas à notre pays de vouloir rattacher à sa souveraineté ces deux vastes régions, sur lesquelles le gouvernement de Bangkok prétendait avoir des droits historiques. C’est pourquoi la politique de ce gouvernement devait, pendant de longues années, se signaler par des intrigues sourdement hostiles aux intérêts de l’Indochine et de la France » (5). Cependant, pris en étau entre la Birmanie anglaise et l’Indochine française, le Siam n’a d’autre choix que de s’accommoder de cette présence blanche sur ses frontières. Pourtant, sous l’apparente cordialité des relations franco-siamoises, sommeille toujours l’espoir secret d’une revanche sur la France. En témoigne bientôt un revirement de la politique siamoise. Le 24 juin 1932, à la suite d’un coup d’État du parti du peuple, une monarchie constitutionnelle est instaurée au Siam. A la faveur du renforcement progressif du pouvoir des militaires, au premier rang desquels le major Phibul Songkhram, le nationalisme thaï réapparaît, augurant d’une évolution dangereuse pour le pays (6). Le 23 juin 1939, Bangkok troque son nom de Siam contre celui de Thaïlande, signifiant ainsi ouvertement son rejet d’une dénomination d’origine étrangère et son ambition à diriger toutes les peuplades et les contrées d’origine thaï. La presse continue de dénoncer le traité du 23 mars 1907, déterminant ses frontières avec l’Indochine, et celui de 1908 qui avait fixé, avec l’Angleterre, les limites de la Birmanie et des Etats malais. C’est l’armistice franco-allemand qui offre à la Thaïlande l’occasion d’une revanche sur la France en Indochine.

«Dès la conclusion de l’armistice, le gouvernement de Bangkok, non seulement ne fit plus aucun effort pour procéder à l’échange des ratifications(…), mais il tint au contraire à déclarer, en toute occasion, que cette formalité lui paraissait désormais sans objet, comme étant largement dépassée par les événements survenus sur le théâtre européen. Par contre, au lendemain de l’armistice, une violente campagne anti-française se déclenchait tout au long du Mékong. Des tracts, à tendance irrédentiste, réclamant en termes agressifs la rétrocession du Cambodge et du Laos étaient, dès le début du mois d’août 1940, diffusés clandestinement en territoire indochinois » (7). Dans les premiers jours de septembre, en route vers Tokyo, une délégation thaïlandaise s’arrête à Hanoï et fait part au gouverneur général de l’Indochine, l’amiral Decoux, des revendications territoriales de Bangkok. Peu après, le 17 septembre, puis à nouveau le 30, le gouvernement thaïlandais fait officiellement remettre à Paul Baudouin, ministre français des Affaires étrangères, un mémorandum réclamant à titre immédiat les deux territoires situés sur la rive droite du Mékong (provinces de Battambang et Luang Prabang) et affirmant son désir de recueillir la succession française au Cambodge et au Laos, si d’aventure l’Union indochinoise venait à se dissoudre après l’effondrement de la souveraineté française.

Le gouvernement a conscience qu’après avoir cédé aux exigences japonaises sans en être passé par les armes, s’il en fait autant avec la Thaïlande, c’en est fini de l’Indochine française. C’est pourquoi il repousse en totalité les revendications thaïlandaises (8). En dépit des incidents de frontière à l’initiative des Thaïlandais (9) qui se déclenchent alors quotidiennement, le gouvernement français ne se départit pas de sa résolution. Ignorant l’implication du Japon dans la position thaïlandaise, il se borne encore à s’interroger sur l’attitude qu’adopterait Tokyo en cas de conflit armé franco-thaïlandais. Car bien que la Thaïlande dispose d’une assez forte aviation comprenant une centaine d’avions modernes américains auxquels l’Indochine n’est en mesure d’opposer qu’un très petit nombre d’avions récents, son armée n’est pas perçue comme une menace sérieuse pour la sécurité de l’Indochine, «à moins d’un fort encadrement japonais » (10). En revanche, la présence d’éléments nippons au Tonkin qui le contraint à maintenir une dispersion de ses forces et de son matériel constitue une réelle préoccupation pour l’état-major français. Bien que les frontières indochinoises soient rendues vulnérables, et à condition qu’elle soit seule en lice, l’armée thaïlandaise n’inquiète pas réellement : «Le Gal. Sup. estime que primo : les dispositions prises qui tiennent compte servitude de la zone démilitarisée ne permettent pas de parer à coup de main sur Laos de la rive droite du Mékong. Secundo : dans l’état actuel les forces indochinoises ne pourraient faire face conflit généralisé avec le Siam que dans le cas ce pays étant seul en jeu et l’attitude Japon permettant concentrer nos forces au Laos et au Cambodge. Le conflit se réduirait à des opérations terrestres de durée limitée excluant toute activité aérienne ou maritime prolongée » (11).

Début octobre, confrontée à l’accroissement des incidents provoqués par les Thaïlandais, et fidèle à la politique inaugurée en juin 1940, la France se tourne vers les Etats-Unis. Car, depuis la fermeture de la frontière sino-tonkinoise, «toutes les fois que le gouvernement français se trouva, du fait du Japon, ou de la Thaïlande ou des deux ensemble, pressé de prendre une décision susceptible d’affecter, en même temps que ses propres intérêts, l’équilibre politique en Extrême-Orient, le gouvernement de Washington en fut immédiatement et complètement informé. Les Etats-Unis furent donc mis en mesure de fournir au gouvernement français les moyens matériels de résister à ces pressions. Ils reçurent de ce fait tous les avertissements propres à leur éviter les surprises » (12). Vichy espère obtenir le concours diplomatique américain à Bangkok et, par l’entremise de Washington, celui de la Grande-Bretagne, qui semble conserver une certaine influence dans la capitale thaïlandaise. Outre un appui diplomatique, le gouvernement français recherche un soutien matériel pour améliorer les défenses indochinoises. Des négociations ont d’ailleurs été ouvertes le 1er octobre avec Washington au sujet de l’arrêt de l’aide américaine à la Thaïlande, du libre-passage de quatre bataillons de tirailleurs sénégalais et de deux batteries stationnés à Djibouti, de l’acheminement de trois bataillons d’Afrique du Nord, enfin de la fourniture des matériels de guerre commandés par la mission Jacomy (13).

Néanmoins, la France n’obtient satisfaction que sur le premier point (14). En revanche, si le Département d’État accepte, au prix d’inlassables requêtes de la France, de bloquer les fournitures (en particulier l’expédition d’avions militaires) et de couper les crédits destinés à la Thaïlande, «il ne donne aucune suite aux demandes de fourniture d’armes et de munitions que la mission Jacomy était chargée de négocier à Washington; il refuse d’affecter à l’Indochine dix avions primitivement destinés à la Thaïlande et qui avaient été, sur la demande de Vichy, bloqués à Manille; il ne réussit pas à obtenir de Londres la mainlevée de l’opposition faite par le gouvernement britannique à l’envoi en Indochine, autorisé par les commissions d’armistice, de trois bataillons de bonnes troupes de Djibouti; il ne consent pas enfin à débloquer, parmi les avoirs indochinois qui eussent permis de financer les achats de la colonie. Il semble donc, ou que le gouvernement américain ne disposait pas des moyens nécessaires à la défense de l’Indochine, ou qu’il n’était pas convaincu de l’opportunité d’assurer cette défense, ou que sa conviction à cet égard n’était pas assez forte pour qu’il passât outre à l’opposition, très nette en ce qui concerne les livraisons d’armes, marquée par le gouvernement britannique » (15).

Dès lors, négligeant les enseignements qu’il aurait dû tirer de ses précédentes expériences avec le Japon, le gouvernement français entreprend de solliciter de Tokyo qu’il modère les ardeurs thaïlandaises. Or, comme en témoigne François Charles-Roux, «nous ne tardâmes pas à nous apercevoir qu’en l’occurrence, Tokyo était de mèche avec Bangkok : ce qui nous eût édifiés, s’il en avait été besoin, sur la valeur de la «confiante collaboration » francojaponaise, inaugurée pour les accords du 30 août et du 22 septembre » (16). En effet, dès la mi-octobre, il apparaît clairement que le gouvernement japonais encourage secrètement les exigences thaïlandaises, et procure à Bangkok les moyens militaires dont il a besoin (17).

A la fin d’octobre pourtant, et en dépit des positions américaine et britannique, Vichy reste déterminé à ne pas céder à la pression thaïlandaise : «Aucune satisfaction mineure n’arrêtera un mouvement qui tend effectivement à intégrer à la Thaïlande, par courtes étapes, le Laos et le Cambodge. Des concessions relativement modestes, qui nous sont aujourd’hui demandées, ouvriraient aussitôt la voie à des revendication plus étendues. Ce n’est donc pas par ce moyen que nous pouvons espérer sauvegarder les intérêts généraux et particuliers dont nous avons la charge. Il convient, au contraire, de donner nettement au gouvernement thaïlandais le sentiment que nous ne nous départirons pas des positions que nous avons prises, et que nous sommes éventuellement disposés à nous défendre par les armes. » (18) Aussi un dispositif de couverture des frontières menacées est-il organisé avec les troupes du Cambodge et d’Annam. Si une concentration de moyens plus importants est élaborée, de nombreuses difficultés en entravent la mise en place. Par conséquent, c’est avec leurs seules ressources du moment que les troupes d’Indochine vont devoir affronter l’adversaire thaïlandais.

L’ouverture des hostilités (19)

«Si, pour monter son infâme agression contre notre Indochine française, le gouvernement de Bangkok crut devoir temporiser jusqu’au mois de septembre 1940, c’est qu’avant d’accomplir son geste criminel, il désirait s’assurer la complicité ou les encouragements des tiers. Dès qu’il eut obtenu le blancseing du Japon… et par une troublante coïncidence celui de l’Angleterre, l’attaque par les airs se déclencha ouvertement » (20). C’est ainsi qu’à peine la situation s’est-elle stabilisée au Tonkin, elle se tend en novembre 1940 à la frontière thaïlandaise. Poussée par le Japon, la Thaïlande adopte, sans déclaration de guerre, une tactique d’attaques par artillerie et aviation du territoire indochinois. Jusqu’au début janvier 1941, la guerre franco-thaïlandaise est une campagne d’escarmouches. Au bombardement des agglomérations et des terrains d’aviation, effectué de jour par l’aviation thaïlandaise, la riposte française intervient de nuit, en raison des performances inférieures des appareils français. La tension s’accroît progressivement jusque vers le 10 janvier, moment que choisit la Thaïlande pour lancer son offensive, à savoir une série d’opérations contraignant le commandement français à réagir de manière plus marquée. En effet, pour répondre aux provocations siamoises et reprendre l’initiative, l’état-major français monte une opération militaire, qui échoue lamentablement à Yang Dang Khum le 16 janvier 1941 mais parvient à enrayer l’avance thaïlandaise dans le secteur cambodgien. Le seul succès français marquant demeure celui de la Marine qui détruit à Koh-Chang plusieurs bâtiments de la flotte adverse laquelle, réduite d’un bon tiers, ne constitue plus menace pour le littoral indochinois. Au plan terrestre en revanche, le bilan reste légèrement à l’avantage des Thaïlandais.

Lors de sa prise de commandement des troupes d’Indochine en janvier 1941, force est, pour le général Mordant, de dresser un constat bien négatif de la situation : «Dans la région de Sisophon, non loin des ruines d’Angkor, où nous avions subi un échec le 16 janvier, je fis quelques constatations de nature à diminuer ma confiance dans le bon rendement immédiat de nos forces. Les causes en étaient multiples : suprématie aérienne siamoise incontestée; absence totale de blindés; «rodage » non encore terminé pour le travail d’ensemble des tirailleurs tonkinois, cambodgiens, moïs et cochinchinois; équipement plus qu’embryonnaire des arrières comme de l’avant; obligation d’économies forcenées, dans tous les domaines, pour faire durer des stocks aussi maigres qu’irremplaçables; chaleurs extravagantes, de jour et de nuit; terrain d’opérations semi-désertique et sans eau; séquelles morales de l’armistice, de l’affaire de Langson, de la collusion Japon-Siam, etc. (…). Des mutations dans le commandement et des mesures de regroupement venaient d’être prescrites, lorsque, le 22 janvier, le Japon, avec son habituelle hypocrisie, déguisait sous une offre de médiation un ultimatum de cessation des hostilités. » (21) Car, par une coïncidence troublante, trois jours après le succès naval français, Tokyo imposera, sous forme d’ultimatum, un armistice et sa médiation aux belligérants.

La médiation japonaise et la convention de paix franco-thaïlandaise

Pour la première fois, le 2 décembre, le Japon offre ses bons services à la France, en l’occurrence sa médiation. Le ministre des Colonies se tourne alors vers l’Indochine : «Votre tel n° 2594 du 9 octobre m’a déjà fait connaître avec ses réserves votre point de vue sur possibilités forces indochinoises en cas de conflit généralisé avec Thaïlande. Stop. (…) Vous demande de m’indiquer nettement si dans l’hypothèse où Japon s’abstiendrait de toute intervention active dans le conflit, estimez actuellement forces de l’Indochine en mesure de faire face avec succès à agression des forces thaïlandaises (22). » La réponse des chefs militaires est la même que deux mois auparavant. Néanmoins, compte tenu du danger de l’offre japonaise pour les intérêts français, et convaincu qu’il est préférable de rechercher une entente directe avec Bangkok, le gouvernement, en accord avec l’amiral Decoux, oppose à la proposition de Tokyo une fin de non-recevoir.

Face à l’échec des tentatives du chargé d’affaires français Garreau (23), dans la capitale thaïlandaise, Decoux tente à nouveau, auprès du consul général des Etats-Unis à Hanoï et des autorités britanniques de Malaisie, de provoquer une intervention rapide des Anglo- Saxons en Indochine (24). Malheureusement, les Japonais ont vent de ces tentatives désespérées et émettent une protestation auprès de Vichy le 14 janvier. Bien que l’information en cause soit immédiatement démentie par le gouvernement français, l’incident a une portée déterminante sur la suite des événements. Car, le 20 janvier 1941, Tokyo saisit l’ambassadeur de France au Japon, Arsène Henry, de son offre de médiation «dont les termes comminatoires ne laissaient aucun doute sur son caractère d’ultimatum » (25). Sous la menace d’une flotte nippone croisant devant le cap Saint- Jacques, le gouvernement français est contraint d’accepter la médiation japonaise le 22 janvier 1941. «Sommes saisis nouvelle offre médiation japonaise que nous ne pouvons refuser actuellement sans risquer grave danger de devenir suspects aux yeux du Gaimusho de collusion avec pays anglo-saxons. Cette médiation présente le risque pour nous comme pour la Thaïlande d’encourager une intervention du Japon qui pourrait s’étendre à d’autres domaines. En présence de ce risque une entente directe qui serait conclue avant que les arrangements afférents à la médiation aient revêtu un caractère définitif serait d’autant plus souhaitable. » (26) Car Vichy ne se départit pas de l’espoir de parvenir à un règlement direct de son conflit avec la Thaïlande (27). Une initiative évidemment infructueuse.

Les hostilités ne prennent fin que le 28 janvier, l’armistice étant finalement signé le 31 à 20 heures, à l’issue de deux jours de pourparlers à bord du cuirassé Natori ancré dans le port de Saïgon, sous l’arbitrage des représentants officiels japonais (28). Force est d’admettre, au regard du risque qu’une action militaire combinée nippo-thaïlandaise aurait fait courir à l’Indochine, que Vichy n’était pas en mesure de refuser la médiation de Tokyo. Car la colonie française n’a pas les moyens de résister à une telle offensive, d’autant que depuis l’accord d’amitié signé fin décembre 1940 entre le Japon et la Thaïlande, l’aide militaire de Tokyo en faveur de l’armée thaïlandaise s’est accrue. Bien qu’ayant accepté la médiation japonaise sous la menace, et alors que la collusion nippo-thaïlandaise ne laisse plus place au doute, le gouvernement français affecte de croire encore à la cordialité des relations franco-japonaises, et poursuit le rêve bien chimérique de maintenir l’intégrité du territoire de l’Union indochinoise : «(…) secundo que gouvernement a décidé accepter offre médiation japonaise en vue éviter toute possibilité de malentendu dans relations franco-nipponnes; tertio que cette acceptation n’implique pas cession de sa part à Thaïlande des enclaves de la rive droite du Mékong; quarto que Gouvernement français est prêt à faire arrêter opérations militaires dès cessation attaques thaïlandaises mais que pourparlers ne pourraient s’engager qu’après que forces armées de part et d’autre auraient été ramenées en deça frontière. Ambassadeur Tokyo est en outre invité à indiquer ministre Affaires étrangères japonais : primo que dernières nouvelles reçues Bangkok laissaient espoir obtenir par négociations directes règlement satisfaisant; secundo que le Gouvernement français a voulu tenir compte des préoccupations du Gaimusho en présence éventualité intervention étrangère et prendre en particulière considération l’approbation donnée à la proposition de médiation par le Mikado (…); tertio que France compte obtenir de cette médiation un résultat non inférieur aux résultats attendus tant de la résistance militaire que des pourparlers engagés » (29).

Les négociations de paix s’engagent à Tokyo le 7 février 1941. La délégation française est présidée par René Robin, ancien gouverneur général de l’Indochine, qui s’était rendu au Japon pour y conduire les pourparlers économiques qui débutaient, au même moment, dans la capitale japonaise. Il est assisté du directeur du Cabinet civil de l’amiral Decoux, Georges Gautier. Après que la conférence ait prolongé la suspension d’armes jusqu’au 7 mars, les représentants thaïlandais présentent leurs revendications, exorbitantes. S’ils ne réclamaient, à l’origine, que deux provinces du Laos, en février leurs exigences portent, pratiquement, sur l’intégralité du Laos et du Cambodge. La France rejette les deux plans de médiation que lui soumet successivement le Japon les 18 et 24 février. Déterminé à faire accepter sa seconde proposition avant le 28 février, Matsuoka menace de rompre les accords du 30 août et les négociations économiques parallèlement en cours. La crainte d’une action des troupes japonaises contre le territoire indochinois contraint la France à accepter le second plan japonais (30), lequel, après quelques modifications, est adopté le 11 mars.

Dès lors, il ne reste plus qu’à procéder à l’échange de lettres franco-japonais. L’ambassadeur de France parvient à faire figurer dans le document que «le gouvernement français est disposé, dans les circonstances présentes, à céder aux instances du gouvernement japonais » (31), conformément aux directives du Département (32). Mais c’est sans nul doute le Japon qui réalise la meilleure opération en parvenant à faire figurer dans le texte remis au représentant français, un élément d’une portée déterminante pour la suite des événements en Extrême-Orient : «l’Indochine ne devra contracter avec une tierce puissance aucun accord ou entente qui prévoit une coopération politique, économique ou militaire, de nature à s’opposer au Japon. » (33)

Aux termes de la convention de paix conclue à Tokyo le 9 mai 1941, l’Indochine perd les territoires de Paklay et de Bassac, la province cambodgienne de Battambang et la partie nord des provinces de Siemreap et de Kompong-Thom, soit une superficie totale de 70 000 kilomètres carrés. En guise de compensation, elle recevra une indemnité de 6 millions de piastres, échelonnée sur 6 ans. «Cette convention, avec les textes qui l’avaient préparée, consacrait l’isolement définitif de l’Indochine, ainsi que son entrée dans le système de la Grande Asie orientale » (34).

 

Collusion nippo-thaïlandaise ou manipulation japonaise ?

Dans le conflit qui oppose la Thaïlande à la France, il existe de nombreux indices de la collusion nippo-thaïlandaise. En premier lieu, on l’a vu, les Japonais ont encouragé les revendications thaïlandaises, comme en attestent notamment les archives du ministère des Affaires étrangères (35). C’est ainsi qu’un télégramme en provenance de Hanoï le 3 décembre 1940 affirme que, suite aux encouragements de l’attaché militaire japonais au gouvernement thaïlandais, la situation militaire s’est aggravée. Le 20 décembre, interrogé par le Bangkok Chronicle, le nouveau ministre japonais à Bangkok, M. Futami, déclare sans ambage que l’opinion japonaise est favorable aux revendications thaïlandaises.

Car pour agir avec quelques chances de succès, Bangkok se devait d’obtenir l’approbation de Tokyo. Il fallait que le gouvernement thaïlandais soit assuré, au minimum, du soutien diplomatique japonais. Or il ne fait aucun doute qu’il l’a obtenu. Le 19 décembre 1940 par exemple, il est notifié à l’ambassadeur de France au Japon que, dans son conflit avec la Thaïlande, la France n’a pas intérêt à trop d’inflexibilité. Par ailleurs, pour mettre toutes les chances de son côté dans son entreprise de conquête, Bangkok devait également s’assurer que le Japon lui ferait bénéficier de tout le poids de sa menace militaire. Là encore, ses voeux sont exaucés, comme en témoigne notamment l’ultimatum japonais du 20 janvier 1941. Mieux, le gouvernement thaïlandais obtient un soutien logistique du Japon. En effet, dès le mois de septembre 1940, «des cargos japonais débarquaient sans arrêt, dans le port de Bangkok, des tonnages importants de matériel de guerre », livraisons justifiées par Tokyo comme «la conséquence de commandes anciennes, qu’il n’était plus possible d’annuler ». Même chose en janvier 1941 (36).

Enfin, l’idéal pour la Thaïlande consistait à lier son action à une initiative japonaise qui aurait fixé la défense indochinoise et en aurait détourné les forces sur un autre front. C’est effectivement ce qui se produit à partir des accords militaires franco-japonais de sep- tembre 1940, qui permettent aux troupes nippones de prendre pied au Tonkin. Les provocations thaïlandaises se succèdent tout au long du Mékong, tandis qu’au Tonkin, de fréquents incidents à l’initiative des troupes japonaises mobilisent les défenses indochinoises. Début décembre 1940, alors que les bombardements thaïlandais s’intensifient, les troupes japonaises manifestent de plus en plus ouvertement leur caractère inamical, multipliant les incidents (37). Le mois suivant, peu avant le déclenchement de l’offensive thaïlandaise, les troupes japonaises d’Indochine «se livrent à des parades spectaculaires ou à véritable répétition de coups de force » (38). Des manifestations agressives trop nombreuses pour être assimilées à de simples coïncidences…

Pourtant, en dépit des éléments tendant à prouver que le gouvernement de Bangkok a partie liée avec Tokyo, à Hanoï comme à Vichy, on affecte de croire, comme le prétend Bangkok (39), que les revendications thaïlandaises sont motivées par la crainte d’une modification du statut territorial de l’Indochine par les Japonais. Si tel était réellement le cas, le Japon, au lieu d’imposer sa médiation (dans les faits au large avantage de Bangkok), n’aurait-il pas plutôt signifié énergiquement son opposition à toute action thaïlandaise contre l’Indochine dont il a garanti l’intégrité territoriale ? En outre, si Bangkok avait réellement été motivé par la crainte japonaise, ne se serait-il pas prêté de bonne grâce à un accord direct avec la France ? Au delà de cette collusion nippo-thaïlandaise, se profile l’ombre d’un Japon manipulateur. Tokyo ne se serait-il pas servi de la Thaïlande pour accomplir ses desseins en Asie orientale et dans le Pacifique ?

Les accords du 22 septembre, qui ouvrent une première faille dans l’édifice de la défense indochinoise et marquent la première étape d’une mainmise totale de Tokyo sur l’Indochine, constituent un premier pas vers le déclenchement d’un conflit qui, un an plus tard, embrasera l’Extrême-Orient tout entier. Dans cette perpective, les Japonais doivent s’assurer la possession de bases d’agression. Or, en juillet 1941, on découvre que c’est effectivement en échange de bases navales et aériennes que le Japon a offert à la Thaïlande les provinces françaises du Laos et d’Angkor (40). En outre, dans l’esprit de l’accord d’amitié signé fin décembre 1940 entre Tokyo et Bangkok, il semble que le Japon ait réussi «à faire payer par l’Indochine, dont il avait cependant, en août 1940, garanti l’intégrité territoriale, la promesse de collaboration militaire qu’il venait d’imposer au Siam, dans l’hypothèse d’un conflit armé dans le Pacifique » (41).

La constitution, le 27 septembre 1940, de l’Axe tripartite a pour conséquence l’extension à l’Asie orientale de «l’Ordre nouveau » et augure de l’ouverture du conflit du Pacifique. C’est pourquoi, dès lors qu’il a connaissance, début janvier 1941, des initiatives de Decoux en direction de Washington et de Londres, le gouvernement japonais brûle les étapes. Il ne peut en effet courir le risque d’une intervention étrangère dans son pré carré, alors même qu’il se prépare à mettre en application ses desseins expansionnistes (42). Aussi, sous le prétexte d’une éventuelle initiative britannique de médiation qu’il ne saurait tolérer, Tokyo impose, par ultimatum, la cessation des hostilités franco-thaïlandaises.

Enfin, il est un autre élément qui vient en renfort de la thèse selon laquelle le conflit franco-thaïlandais est le fruit d’une manipulation japonaise. Il s’agit du lien entre les revendications économiques nippones sur l’Indochine de janvier 1941 et la pression exercée par Tokyo sur le gouvernement français pour imposer sa médiation dans le conflit franco-thaïlandais. Car le second plan de Matsuoka n’a été accepté par Vichy que sous la menace, notamment d’une rupture des négociations économiques nippo-indochinoises qui se poursuivent parallèlement.

A partir de 1940, l’immixtion japonaise dans le commerce extérieur indochinois prive Tchang Kaï-Chek d’un de ses partenaires commerciaux privilégiés, au moment même où l’occupation de la partie la plus riche de son territoire, doublée d’un blocus efficace, lui impose la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement. Ainsi, alors que le conflit en Europe présageait un développement des échanges sino-indochinois, c’est le contraire qui se produit. Coupée de sa voisine par la fermeture de la frontière sino-tonkinoise, l’Indochine est contrainte d’accepter une collaboration économique avec le Japon, pour éviter l’asphyxie à laquelle la condamne la guerre en Europe.

Les négociations, qui débutent à Tokyo en décembre 1940, correspondent à la partie économique des accords du 30 août (43). Le 2 décembre, au moment même de la première offre de médiation japonaise dans le conflit franco-thaïlandais, une délégation indochinoise embarque à Saïgon en direction de Tokyo. Elle y est rejointe par une mission venue de France et dirigée par l’ancien gouverneur général Robin, celui-là même qui est par ailleurs chargé des négociations avec la Thaïlande. Les discussions, entamées au début de 1941, donnent lieu, le 20 janvier, à la conclusion d’un accord provisoire, à la suite d’un ultimatum imposé à l’Indochine avant même l’ouverture des discussions générales. On remarquera qu’au même moment, Matsuoka propose au gouvernement français sa médiation dans le conflit qui l’oppose à la Thaïlande. Dès lors, il y a tout lieu de croire que le différend entre les deux pays a servi de moyen de pression au Japon pour faire aboutir ses revendications dans le domaine économique. Les négociations parviennent à l’«Accord de Tokyo », paraphé le 6 mai 1941 (44). On remarque, une fois encore, le lien entre le règlement du différend franco-thaïlandais et l’aboutissement de ces négociations économiques. Le conflit franco-thaïlandais n’a été qu’un des instruments de Tokyo pour parvenir à ce résultat, dans la perspective de la guerre du Pacifique.

Conclusion

Dans le courant du mois de mai, les territoires cédés à la Thaïlande sont progressivement évacués. Une délégation japonaise pour la fixation de la frontière entre l’Indochine et la Thaïlande arrive dans la colonie française, conformément aux accords du 9 mai. Elle est composée de 76 membres, alors que les délégations française et thaïlandaise n’en comptent chacune que 15 (45). Le 8 décembre 1941, lorsque, conformément à leurs projets, les Japonais débarquent en Thaïlande, la résistance se révèle insignifiante. Nul n’est besoin ici pour le Japon de créer de toutes pièces un gouvernement satellite.

En conclusion, il nous reste à apporter un ultime éclairage sur cette affaire franco-thaïlandaise, à savoir celui de Jean Chauvel, à la tête de la sous-direction Asie du ministère des Affaires étrangères, dont les analyses ont souvent été avérées (46). Il estime en effet que, privée de l’appui concret des Etats-Unis, la France n’était pas en mesure, en dépit des premières impressions du ministre des Affaires étrangères Paul Baudouin, de résister à la Thaïlande. «Cependant, accepter de composer avec elle eût tué notre prestige et nous eût exposé à des revendications sans fin. Autre chose était de céder à la pression japonaise. Nous montâmes donc l’affaire de telle sorte que Tokyo, mis en cause, nous pressa en effet. (…) L’accord se fit non avec la Thaïlande mais avec le Japon, mentionnant la pression – ce que je n’obtins pas sans peine – et frappant ainsi de caducité tout le règlement « . A la lumière de ce témoignage, n’est-il pas permis de conclure qu’en imposant sa méditation, qui sert des intérêts plus ambitieux, Tokyo a secrètement été téléguidé par la France…

source : Fabienne MERCIER-BERNADET. Article paru dans la Revue historique des armées, n°223, 2001

Les numéros entre parenthèses correspondent aux appels des notes, consultables en bas de page.

Notes :

1  Les Japonais ont compris que, pour mettre un terme à la résistance chinoise, il est indispensable de la priver des armes et munitions que lui font parvenir les étrangers, par trois principales voies : à l’est, la mer ; au nord, la Mongolie extérieure ; au sud, la route birmane ouverte en 1940 et la voie ferrée du Tonkin au Yunnan.

2  En ce qui concerne cet incident, cf Mercier (F), Vichy face à Tchang Kaï-Chek. Histoire diplomatique. Paris, L’Harmattan, 1995, p. 89-91.


3  Un traité similaire avait été conclu avec l’Angleterre. L’effondrement français, qui ne fit pas obstacle à sa ratification, remit en revanche tout en question pour l’Indochine. D’autant que la commission de délimitation, qui devait résoudre quelques problèmes secondaires engendrés par le tracé de la frontière avec l’Union indochinoise, ne s’était pas encore réunie.


4  Le protectorat français sur le royaume Khmer ne sera reconnu par le Siam qu’en 1867, contre la cession de deux provinces du nord (Battambang et Siemreap), lesquelles seront restituées en 1907. En outre, par le traité de Bangkok de 1893, le Siam reconnaît le protectorat français sur le Laos et renonce à toute prétention sur la rive gauche du Mékong.


5  Decoux (Amiral), A la barre de l’Indochine. Histoire de mon gouvernement général (1940-1945). Paris, Plon, 1949. p. 124.


6  En effet, un resserrement des liens avec le Japon est rapidement amorcé, tandis que le gouvernement noue des relations avec l’Allemagne et l’Italie, dénonce l’ensemble des traités conclus avec les puissances, et se lance, dès 1936, dans une politique d’acquisition d’armements terrestres et navals, encouragée par Tokyo. Le danger d’une Thaïlande projaponaise est évoqué au cours d’une conférence franco-britannique, tenue à Singapour du 22 au 27 juin 1939. Les participants se résolvent à exercer une pression diplomatique sur Bangkok, pour en contraindre le gouvernement à prendre ouvertement position en faveur des Occidentaux. Une attitude de fermeté qui ne produit pas l’effet escompté, loin s’en faut.


7  Decoux, op. cit. p. 131


8  Charles-Roux François, Cinq mois tragiques aux Affaires étrangères (21 mai-1er novembre 1940), Paris, Plon, 1949. p. 264.


9  Charles-Roux, ibid. Il s’agit notamment du survol du Cambodge par des avions militaires, de l’attaque à la mitrailleuse d’un poste frontière indochinois, de la diffusion de tracts appelant les Laotiens à la révolte, de coups de main sur les villages frontaliers, etc.


10  Archives du S.H.A.T. Tel no 623 à 628, de Colonies (Vichy) à Ambassade de France (Washington), le 8 octobre 1940. 10H78, Dossier I.3

11  S.H.A.T. Tel no 2594-2595, de Gougal (Hanoï) à Colonies (Vichy), le 10 octobre 1940. 10H78, Dossier I.3

12  Archives du ministère des Affaires étrangères (désormais AMAE.) «Politique française en Extrême-Orient », 29 juillet 1943. Guerre 1939-1945, Vichy-Asie-E, vol 31.

13  Hesse d’Alzon Claude, La présence militaire française en Indochine (1940-1945), Vincennes, Publications du S.H.A.T., 1985. p. 90

14  Charles-Roux, op. cit. p. 265. «Le concours diplomatique, je crois que nous l’avons obtenu, et des Etats-Unis et de l’Angleterre, mais sans qu’il ait pu produire à Bangkok un effet appréciable, parce qu’on le savait voué à rester platonique ».

15  AMAE. «Politique française en Extrême-Orient », op. cit.

16  Charles-Roux, op. cit. p. 265

17  AMAE. Tel no 264, du Département (Vichy) à Henry (Tokyo), le 17 octobre 1940. Guerre 1939-1945, Vichy-Asie- E. vol no 37. Le 17 octobre, le Département câble à son ambassadeur à Tokyo : «d’après les indications données par Hanoï, l’attaché militaire japonais accompagnait, le 5 octobre, les autorités thaïlandaises visitant Nong-Hkai. Le 9 octobre, un avion japonais a survolé la région du Mékong. Ces faits paraissent prouver qu’en dépit des assurances données par le gouvernement japonais, les revendications siamoises sont appuyées par le Japon. Des instructions formelles devraient être données aux représentants japonais à Bangkok, en vue d’éviter le renouvellement de tels faits ».

18  Extrait d’un télégramme adressé le 24 octobre 1940 par le ministère français des Affaires étrangères à son ministre à Bangkok. Charles-Roux, op. cit. p. 266.

19  Pour un compte-rendu précis des opérations militaires, se reporter à Hesse d’Alzon, op. cit., à Decoux, op. cit., ou encore consulter les archives du S.H.A.T., (bulletins de renseignements, comptes-rendus d’opérations…), en particulier dans les cartons 10H78 et 10H81.

20  Decoux, op. cit. p. 124.

21  Mordant (Gal), Au service de la France en Indochine (1941- 1945), Saïgon, Imprimeries de la France d’Outre-mer, 1950. p. 20-21.

22  S.H.A.T. Tel no 1073R-1074R, de Platon (Colonies), à Gougal (Hanoï), le 5 décembre 1940. 10H81. Dossier I.3.

23  Ce dernier succède à Lépissier, rappelé à Vichy en novembre 1940, à la demande de Decoux qui estimait qu’il menait un jeu trop personnel. Il ne rejoindra pas la France et, au Caire, adhèrera à la France libre. Son successeur, Garreau, ne restera que jusqu’au 2 septembre 1941 et, à son tour, ralliera la France libre.

24  S.H.A.T. Tel no 79 à 81, de Decoux (Hanoï) à Colonies (Vichy), le 8 janvier 1941. 10H81. I.3 ; Decoux, op. cit. p. 142.

25  Decoux, ibid.

26  S.H.A.T. Tel no 253-254 de Platon (Colonies) à Decoux (Hanoï), le 22 janvier 1941. 10H81. I.3. L’accord, valable pour quinze jours, comprend, outre le préambule reconnaissant la médiation japonaise, dix articles déterminant les points de repli des troupes au contact, les zones limites des mouvements de navires et d’avions, l’arrêt de la propagande hostile et le respect réciproque des personnes et des biens.

27  S.H.A.T. Tel no 256-257 de Platon (Colonies) à Decoux (Hanoï), le 22 janvier 1941. 10H81. I.3.

28  Entre le moment de l’acceptation de la médiation japonaise et la cessation effective des combats, Thaïlandais et Français poussent leurs troupes, pour obtenir des gages territoriaux au moment de l’armistice. En outre, au cours des mois de négociations qui vont suivre, de fréquents accrochages à l’initiative des Thaïlandais vont continuer de se produire.

29  S.H.A.T. Tel no 258 à 262 de Platon (Colonies) à Decoux (Hanoï), le 22 janvier 1941. 10H81. I.3.

30  Les discussions se poursuivent alors dans un climat pour le moins orageux sous l’égide d’un Matsuoka brandissant tour à tour le bâton et la carotte. Celle-ci, c’est la promesse de Matsuoka, le 6 mars au soir, dans un entretien avec l’ambassadeur de France au Japon, d’une intervention de son gouvernement auprès de son homologue allemand, pour que Berlin n’impose pas de conditions trop dures à la France. AMAE. Tel no 272 à 283, de Ambafrance (Tokyo) à Département (Vichy), arrivé le 8 mars 1941. Guerre, Vichy- Asie-E, vol no 42.

31  AMAE. Texte échange de lettres franco-japonais, 11 mars 1941. Papiers 1940, vol no 28.

32  «les lettres à échanger entre les gouvernements français et japonais devront marquer, de façon aussi nette que possible, la contrainte sous laquelle nous sommes amenés à céder devant l’injonction japonaise » AMAE. Tel no 262, Département (Vichy) à Henry (Tokyo), le 1er mars 1941. Guerre, Vichy- Asie-E, vol no 42. Cf. Chauvel (Jean), Commentaire. De Vienne à Alger (1938-1944), Paris, Fayard, 1971. p. 238. C’est à la demande pressante de l’auteur que le document officiel porte la mention de la contrainte sous laquelle la France a dû céder.

33  AMAE. Texte de l’échange de lettres franco-japonais, ibid.

34  Gaudel André, L’Indochine française en face du Japon, Paris, Hartmann, 1947. p. 114. A noter que les frontières entre la Thaïlande et le Cambodge d’une part, entre la Thaïlande et le Laos d’autre part, reviennent, en 1941, presqu’à leur état de 1867.

35  Cf. en particulier AMAE, P 2681, Guerre 1939-1945, Vichy- C, vol no 39 à 42.

36  Decoux, op. cit. p. 133 et S.H.A.T. Tel no 72 à 81, de Gougal (Hanoï) à Colonies (Vichy), le 8 janvier 1941. 10H81. 1.3.

37  AMAE. Tel no 156 de Gougal (Hanoï) à Département (Vichy) le 9 décembre 1940 ; Tel no 169-170 de Ambafrance (Tokyo) à Département (Vichy), le 10 décembre 1940. P 2681, Guerre 1939-1945, Vichy-C, vol no 39.

38  S.H.A.T. Tel no 72 à 81, op. cit.

39  AMAE. Tel no 180-182 de Gougal (Hanoï) à Département (Vichy), le 7 décembre 1940. P 2681, Guerre 1939-1945, Vichy-C, vol no 39.

40  AMAE. «Etat des relations en Extrême-Orient en juillet 1941 ». Guerre 1939-1945, Vichy-E, vol 46.

41  Decoux, op. cit. p. 144.

42  Decoux, op. cit. p. 142. En refusant toute assistance à l’Indochine, l’Angleterre et les Etats-Unis contribuent indirectement au renforcement du Japon sur le futur théâtre du conflit du Pacifique. Pourtant, dès le 10 janvier 1941, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis avait insisté auprès du sous-secrétaire d’Etat américain sur le lien qui existait entre l’action thaïlandaise contre l’Indochine et les desseins nippons.

43  Dès le 30 juillet 1940, le dirigeant de la mission japonaise en Indochine avait demandé à Hanoï l’égalité de traitement entre les entreprises nippones et françaises. Ces revendications, transmises par Decoux à Vichy, donnent lieu, dans le texte des accords du 30 août, à un protocole admettant que des facilités d’ordre économique soient consenties aux entreprises japonaises et prévoyant l’ouverture de négociations à cet effet.

44  Le texte des accords du 6 mai 1941 comprend une convention d’établissement et de navigation relative à l’Indochine française, un protocole annexe, un accord relatif au régime douanier, aux échanges commerciaux et à leurs modalités de règlement entre l’Indochine et le Japon, ainsi que des échanges de lettres entre Robin et Matsumiya. Inutile de préciser que ces accords confèrent au Japon un statut privilégié, le commerce extérieur de l’Indochine passant sous son entière domination. La colonie se trouve à présent liée économiquement, militairement et politiquement au devenir de l’Empire nippon.

45  AMAE, Guerre 39-45, Vichy-Asie-E, vol no 35.

46  Cf. Mercier, op. cit. Chauvel, qui n’est pas toujours parvenu à faire prévaloir ses vues auprès des ministres successifs des Affaires étrangères, a fort justement apprécié la nature de la politique japonaise en Indochine et de ses implications pour la France.

47  Chauvel, op. cit. p.257.