Hommage du « Souvenir Français » à Henri Mouhot

Les Carnets de Voyage d’Henri Mouhot -Edition originale de la revue « Tour du Monde-1863 »

               VISITE DU CÉNOTAPHE HENRI MOUHOT PRES DE LUANG PRABANG (LAOS)

                                 Michel Nivelle – Membre du Souvenir Français de Chine

 

Ce n’est que peu de temps après être arrivé à Luang Prabang que je décidai de visiter le site de la sépulture d’Henri Mouhot,et par la même occasion de rendre hommage au souvenir de ce naturaliste et explorateur français, en mission pour la British Royal Geographic Society qui fut le premier occidental à vanter auprès du grand public les merveilles d’Angkor (1861),et qui malheureusement décède en quelques jours de la « fièvre des forêts » le 10 novembre 1861 à sept heures du soir dans la jungle près de Luang Prabang où il sera inhumé.L’année zéro comme l’appelle Patrick Deville dans Kampuchéa à partir de laquelle tout événement serait daté en av. HM et apr. HM (sic).

Comme il m’avait été conseillé d’utiliser la pirogue pour me rendre sur place, je me renseigne auprès des bateliers du Mékong qui stationnent quotidiennement sur le fleuve du côté de la rue Souvannabanlang.Après de multiples tractations en gestes plutôt qu’en paroles, il me faut me résigner car aucun d’eux n’accepte de me louer ses services pour remonter la Nam Khan, affluent du Mékong. Février est la saison sèche, et cette année les eaux de la rivière sont trop basses que pour tenter l’aventure sans risquer de s’échouer quelque part sur un haut-fond. D’autant plus, et je m’en rendrai compte plus tard que la construction d’un nouveau pont plus en amont sur le cours d’eau, bloque le passage. Dès lors,que faire si ce n’est héler un engin de transport local à 3 roues appelé « Touk touk »,et expliquer avec photos à l’appui à quel endroit j’espère me rendre. L’affaire se règle pour 150,000 kips soit 20 dollars avec une garantie de retour. La première étape est le petit village de Ban Phanom, la sépulture se situant entre ce dernier et la Nam Khan.Ce village est connu pour la fabrication artisanale de foulards et de vêtements en soie ou en coton.Jusqu’à cet endroit, la route est goudronnée, et les abords sont entretenus, après c’est une piste en terre qui suit le tracé d’une nouvelle route dont l’achèvement est dans un futur incertain.L’engin rudimentaire ne m’épargne pas du cahot des ornières laissées par les pluies de la saison dernière, et bien sûr de la poussière. Après une demi-heure environ, mon chauffeur et guide me fait signe que nous allons nous arrêter à l’entrée d’un chemin en pente raide qui doit, je le devine nous mener au but. Au loin,en contrebas la rivière serpente dans cette vallée encaissée au gré du terrain, et sur la gauche on aperçoit les piles de ce nouveau pont sans tablier. Le chemin de terre que nous empruntons descend vers la rivière, et la longe pendant un certain temps.Je suis un peu surpris par la pollution du lieu, en effet de nombreux déchets plastiques jonchent le sol, mauvais signe que la civilisation et le développement économique sont en marche.Ce passage ne doit être accessible qu’en saison sèche car la crue a laissé ses marques à un niveau bien supérieur au sentier que nous suivons. Soudain sur la gauche une trouée dans la jungle me laisse apercevoir une tâche blanche au milieu de la verdure luxuriante. Enfin,nous touchons au but ! La montée vers le cénotaphe est courte mais inconfortable car la terre humide est glissante. A une vingtaine de mètres au-dessus du niveau de la rivière apparaissent deux marches en briques rouges que je pense être une sorte d’embarcadère quand la crue périodique gonfle la Nam Khan d’eaux tumultueuses.

Les Bateliers du Mékong 

 

Soudain sur la gauche une trouée dans la jungle me laisse apercevoir une tâche blanche…

 

Le Cénotaphe Henri Mouhot

 

Plus haut dans la clairière,la sépulture d’Henri Mouhot,toute de blanc vêtue, tranche sur l’environnement.Un bouquet de fleurs coupées rouge pourpre a été déposé sur son faite, et je m’approche avec émotion pour lire les trois plaques qui l’ornent. Celle de Doudart de Lagrée qui éleva ce modeste monument en 1867,et Auguste Pavie qui le reconstruisit en 1887,celle qui mentionne simplement en lettres d’or le nom d’Henri Mouhot avec les deux dates importantes de sa vie,et enfin la dernière beaucoup plus récente qui rappelle la rénovation de la sépulture par la ville de Montbéliard en 1990.La médaille de bronze a l’effigie de Francis Garnier située sur un des côtés du cénotaphe est très endommagée ,et difficile à identifier.

 

 

 

 

 

D’après les écrits de J.M. Strobino,le corps de Mouhot n’est pas enseveli à cet endroit, il aurait été inhumé immédiatement après sa mort plus bas au bord de la rivière puis son corps aura probablement été emporté dans les eaux agitées d’une crue ayant érodé la tombe pendant la saison des pluies. Il est à noter qu’aucune croix chrétienne ne décore la monument qui ressemble aux sépultures des cimetières protestants de l’époque.C’est quelque peu étrange car à la lecture de ses carnets de voyage, il semble que l’explorateur soit chrétien et catholique. Peut-être a-t-on voulu éviter une profanation, peut-être a-t-elle disparu au cours du temps,peut-être que Mouhot s’était-il converti,en épousant une anglaise,petite-nièce de Mungo Park, mon interrogation reste alors sans réponse. Aujourd’hui, l’ensemble du site est en bon état, le monument a du être repeint récemment car la noire moisissure tropicale ne marque pas ses flancs, et trois des plaques d’identification sont très lisibles. Le socle en béton sur lequel repose la sépulture est une assise solide qui peut résister aux crues dans le cas exceptionnel où elles arriveraient à cette hauteur de la pente. Plus haut sur une aire horizontale ont été installés une table et des sièges en béton pour le repos du voyageur, et à proximité une statue en bronze représentant Auguste Pavie ainsi qu’un éléphant laotien.Cet aménagement datant de 2009 est l’œuvre de Guy Lherbier qui,en 1993, décida de se consacrer à la restauration de la sépulture Dommage car à mon avis ça désacralise ce site paisible qui doit rester avant tout un lieu de mémoire de ce courageux compatriote qui a exploré des terres inconnues à cinq mille lieues de sa terre natale, et a montré et ouvert à la France le chemin du Cambodge.

Le sentier d’accès

 

Au loin les piles du pont sans tablier sur la Nam Khan